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Genève, ven 26 avril, 23:00

Saperlipoppers!

Saperlipoppers!

Réputés pour leurs émanations aphrodisiaques, les «poppers» se vendent dans de nombreux sex-shops et clubs gays européens. En Suisse, ce produit méconnu profite d’un cadre législatif vaporeux.

Il y a une trentaine d’années, des ampoules de nitrite d’amyle destinées à soigner l’angine de poitrine étaient adoptées par les gays américains pour leurs vertus «aphrodisiaques» (relâchement des sphincters, sentiment furtif de bien-être) et leur effet sur les dancefloors («flashes» euphorisant). Bientôt produite en fioles ad hoc, les poppers s’imposent rapidement comme un adjuvant sexuel indispensable à de nom-breux gays.

Aujourd’hui comme hier, les poppers se consomment presque exclusivement par forte inhalation, en appliquant la fiole sous chaque narine. Or, dans leur matériel promotionnel, les fabricants et les commerçants feignent d’ignorer cette utilisation effective. Tout juste indiquent-ils sur les emballages en lettres microscopiques: «Ne pas inhaler» et «Laisser libérer les vapeurs dans la pièce». C’est ainsi que les poppers se retrouvent en vente dans plusieurs pays européens en tant qu’«arômes d’appartement» ou «encens d’amour.» Ces appellations cocasses dissimulent un marché de niche lucratif, si l’on considère que les principaux ingrédients sont très bon marché et ne nécessitent guère de traitement; tout au plus quelques additifs et le conditionnement en petites fioles. Au final, pour 9ml d’«arôme» vous débourserez tout de même 8 à 15 euros.

Très toxique
En Suisse, même si 30% des gays déclarent en avoir utilisé lors de rapports sexuels*, il n’y a officiellement ni poppers, ni «arôme» en vente libre. Le service du pharmacien cantonal genevois est formel: les poppers contiennent des substances très toxiques. Au regard de la loi suisse, le nitrite d’isobutyle (que l’on trouve dans les «arômes» anglais ou hollandais) est inscrit en classe de toxicité 2. En tant que tel, il est réservé à certains usages professionnels et son importation est strictement réglementée. Quant au nitrite de propyle que l’on trouve dans les poppers français, il n’est pas évalué par les autorités sanitaires suisses, et donc interdit.

Cependant, chez les douaniers, personne ne semble avoir entendu parler de ces nitrites, poppers et autres «arômes»: «C’est comme les alcopops?», me demande un fonctionnaire de la Direction régionale des douanes de Genève, tandis qu’au Commandement des gardes-frontières, un fonctionnaire se dit convaincu que ces produits sont autorisés et en vente partout dans le pays. «Ah non? En tout cas, m’assure-t-on, ce n’est pas encore un problème… c’est un phénomène très restreint.»

Côté santé, les poppers c’est pas le pied: les nitrites organiques – y compris le nitrite de propyle prétendument moins dangereux – peuvent provoquer de sérieux dérèglements sur les plans cardiaque, circulatoire, voire neurologique, indique-t-on au Département genevois de la santé. A cela s’ajoute un danger immédiat lorsqu’ils sont combinés à d’autres produits tels que le Viagra. Sans parler de leur effet vasodilatateur, qui peut, dans certains cas, faciliter l’entrée du VIH et d’autres agents infectieux dans l’organisme. Entre permis et interdit, innocuité et nocivité, l’amateur de poppers doit donc assumer ses responsabilités et évaluer les risques qu’il encourt. Difficile, quand aucune recherche sérieuse n’a été menée sur l’impact à long terme des poppers… à force, sans doute, de les considérer comme un «phénomène très restreint».

* Enquête Gaysurvey 04, question sur la consommation de drogues et d’alcool en relation avec des rapports sexuels sur les 12 derniers mois.