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«Mon combat, c’est montrer que nous pouvons aussi exister le jour»

Une militante trans de 19 ans a été choisie pour représenter le visage d'une marque de cosmétiques américaine. L'ambassadrice d'une communauté qui s'éveille.

Un rouge à lèvres rose flamboyant, le regard légèrement maquillé, les cheveux blondis détachés et la citation «Si tu ne nais pas femme, deviens-le» tatouée sur le haut de la poitrine, mise en évidence, Maria Clara Araujo a la joie de vivre communicative. Derrière un large sourire posé en permanence sur ses lèvres, la longiligne jeune femme cache mal sa nervosité. Timide, la militante transsexuelle brésilienne n’en est pas moins fière de son parcours: elle vient d’être choisie par la marque de cosmétiques américaine Lola Cosmetics pour devenir leur égérie.

«C’est une victoire pour la communauté transsexuelle brésilienne», s’étonne encore la jeune activiste de 19 ans qui a été repérée grâce à son militantisme sur les réseaux sociaux. En début d’année, Maria Clara Araujo avait déjà fait la une des journaux en étant l’une des premières personne transgenre à entrer dans une université publique au Brésil. Dans le pays d’Amérique du Sud le plus meurtrier pour la communauté trans, les succès de Maria Clara Araujo détonne. Plus de 39,8% des meurtres de transsexuels dans le monde ont lieu sur le territoire brésilien. Entre 2008 et 2013, c’est plus de 480 transsexuels qui ont été tués au Brésil. Reniés par leur famille, harcelés par leurs camarades de classe et faisant face à des professeurs qui ne les comprennent pas toujours, huit trans brésiliens sur dix quittent l’école avant la fin du collège.

Entre 2008 et 2013, c’est plus de 480 transsexuels qui ont été tués au Brésil.

Sortis du système scolaire et sans revenu, ils se retrouvent rapidement avec la prostitution comme seule option. Selon l’organisation GGB (Grupo Gay da Bahia), 90 % d’entre eux sont passés par la prostitution. Dans certains états, le taux atteint même 95 %. «Regardez autour de vous, combien de transsexuels voyez-vous dans les supermarchés? Dans les hôpitaux? Aucun. Mais dès la nuit tombée, vous les voyez apparaitre dans les rues sombres. Ici, les transsexuels n’ont pas d’autre choix que de vendre leur corps.» La voix jusqu’alors si posée de Maria Clara Araujo s’emporte. «Mon combat, c’est aussi une manière de montrer que nous pouvons exister le jour.» Comme le souligne Daniela Andrade, fondatrice de l’agence «transemprego» qui met en relation des employeurs formels et les transsexuels, «le problème n’est pas la prostitution en soi, mais que pour la communauté trans, elle soit devenue une fatalité.»

Pour lutter contre le phénomène, les grandes villes du pays ont lancé le programme «trancidadania»: contre une bourse de 300 euros par mois, une centaine de personnes trans ont l’opportunité de retourner à l’école pour se remettre à niveau. À São Paulo, dans une grande salle de classe prêtée par la municipalité, elles sont une cinquantaine à se retrouver tous les soirs de la semaine. Pour Lara Terra, comme pour la majorité de ses camarades, le but est avant tout de pouvoir réintégrer le marché du travail et d’en finir avec la discrimination. Comme toutes les élèves présentes dans la classe, Lara a été mise à la porte de chez ses parents quand, à 14 ans, elle a affirmé son identité.

Depuis, elle alterne petits boulots au noir et prostitution qui lui permettent de payer le loyer d’une chambre dans un squat du centre-ville. «En tant que trans, nous souffrons de discrimination en permanence. Notre singularité est inscrite sur notre corps 24 heures sur 24. En reprenant l’école, j’espère trouver une légitimité et peut-être ouvrir mon propre business.» Face au succès de ce projet, les villes envisagent déjà d’augmenter le nombre de places disponibles l’année prochaine. Loin de minimiser l’impact de ses initiatives, Daniela Andrade est néanmoins plus réservée: «Ce qu’il faut, c’est un changement des mentalités, les employeurs ont peur d’engager un trans. La transsexualité est associée à une pathologie. Mais ce qui est pathologique, c’est la façon dont la société traite les transsexuels.»

Opportunités
Un constat partagé par Maria Clara Araujo. Titulaire du bac et inscrite dans l’une des meilleures universités du pays, elle raconte les nombreux entretiens qu’elle a passés pour du télémarketing ou du secrétariat, «tout se passe toujours très bien jusqu’à ce que je doive décliner mon identité civile. Alors, à chaque fois la même routine, je n’entends plus jamais parler des entreprises.» Loin de se laisser aller au fatalisme, Maria Clara Araujo veut pourtant croire que les choses évoluent petit à petit. «L’opportunité qui m’est donnée à travers Lola Cosmetics est inévitablement une réussite personnelle, mais c’est surtout un signe que notre visibilité s’étend désormais à tous les domaines de la société» s’enthousiasme la jeune femme avant de conclure dans un éclat de rire: «Au Brésil, la révolution sera transsexuelle».