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Deux lesbiennes en quête de droit de cité

Chômage, intégration, précarité, violence... Mais comment vivent les homos dans les cités? Rencontre avec Audrey et Leila, un couple vivant à Aubervilliers, une banlieue au nord de Paris.

A une demi-heure du centre de Paris par métro, Audrey habite à Aubervilliers, dans le fameux «93» (le département de Seine-Saint-Denis), un petit appart’ au milieu d’une tour de 20 étages. A 25 ans, elle assure sa subsistance avec de maigres revenus. Ce qui s’avère une gageure, d’autant plus qu’elle a passé plus de deux ans à Fresnes, le centre pénitentiaire pour femmes où elle a rencontré sa copine Leila, 28 ans. Depuis leur sortie il y a trois ans, elles forment un couple qui vit bien loin de la scène LGBT de la capitale. «Le Marais, on peut y aller, explique Audrey, mais y a que des « lesbiennes établies ». Une fois, Leila et moi, on a voulu entrer aux Scandaleuses, un bar lesbien. Mais on a tout de suite repéré une fliquette et une matonne…» Au-delà de cette anecdote les rappelant à leur passé, c’est une autre réalité qui les rattrape: «A Paris, les verres sont trop chers et la musique trop forte.»
Ainsi, les deux jeunes femmes restent dans leur cité. «Quand je suis arrivée, raconte Leila, j’ai dit que je vivais avec une femme… Le truc qu’il ne fallait pas faire! Je me suis fait séquestrer et presque violer, on m’a suivie le soir pour me faire peur… A cause de ça et d’autres trucs, il a fallu que je parte… Sinon j’allais me suicider.» Aujourd’hui, elle ne supporte plus la vie en banlieue. Elle squatte à droite à gauche. Depuis quelques mois, elle vit dans un hôpital pour femmes enceintes. Leila attend en effet une petite Keina, son «projet personnel» selon ses propres mots. Après sa naissance, elle compte quitter Paris, direction la campagne bretonne.

Demeurer ou partir
En revanche, Audrey ne se voit pas partir. «Si je pouvais vivre dans un endroit moins fataliste, je dis pas… Mais en attendant, ici, c’est tranquille et ça correspond à mes revenus.» Elle ne rencontre pas de problèmes avec le voisinage. Tout le quartier sait son homosexualité et elle ne se gêne pas pour se montrer avec Leila. «On se salue, bonjour, bonsoir. Mais il faut dire que, méfiante, j’y vais doucement avec les gens. Je ne parle pas de ma vie privée. Si Leila a eu des ennuis, c’est parce qu’elle a mis ça en avant.» Une question de discrétion, donc. Et de style aussi. Son passé dans le «business», sa passion pour le sport, son look – «Ils disent que je suis masculine» – font qu’Audrey parle d’égal à égal avec les gars du quartier. Et Leila d’ajouter: «Ce que je mets en avant, ça me met en danger. Tandis que ce qu’Audrey met en avant, ça la valorise.» Deux poids, deux mesures pour qui vit au diapason des codes en vigueur à Aubervilliers.
Dans la cité, l’homosexualité est sujette à la loi du silence. Il serait impensable de voir un seul drapeau arc-en-ciel. «Il n’y a pas d’association homo, ici, déplore Leila. Ce n’est pas possible. Personne n’oserait y entrer. On se ferait agresser à la sortie. Et après une semaine, ce serait cassé.» Pour qu’une association survive dans de telles conditions, elle doit rester secrète. «Moi, je vais dans un lieu féministe et lesbien non mixte à Montreuil», dit Audrey. «Les voisins ne savent pas ce que c’est. Et il n’y a pas de site Internet.» Un lieu si caché qu’il est difficile de le repérer, même en connaissant l’adresse. Qui penserait que derrière cette porte aux allures de garage abandonné se cache un espace de rencontre avec boissons et bouffe bon marché?

Associations-prétextes
«Sinon, on se retrouve dans des assoc’ prétextes», explique Leila. Il s’agit souvent de groupes liés au VIH-sida ou aux problèmes de dépendances; notamment pour Leila, un groupe d’art-thérapie s’adressant en principe aux personnes séropositives: «Comme par hasard, il y a des gens qui n’ont pas le sida. Ils sont là parce qu’ils sont homos et lesbiennes.» Pour avoir la paix, Leila construit son réseau par le chat. «Internet, c’est la grande chance des gays et lesbiennes. Comme ça, on sait qu’on n’est pas seuls. On reste en contact.»
Les émeutes d’octobre-novembre 2005 ont replacé au centre des préoccupations des mouvements LGBT locaux et nationaux le sort des gays et lesbiennes dans les quartiers. Des événements que l’association SOS Homophobie n’ont toutefois pas attendus pour établir une ligne d’écoute permettant d’identifier les problèmes spécifiques aux gays et lesbiennes des «quartiers». Menée depuis le début de l’année 2005, l’opération doit aboutir à une enquête sur l’homophobie dans les banlieues, à paraître fin 2006.

www.cglparis.org
SOS Homophobie:
www.france.qrd.org/assocs/sos/