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L’incroyable journal de Salam Pax

A Bagdad, pendant des mois et durant les premiers jours de guerre, un mystérieux correspondant a tenu un passionnant et terrifiant journal sur Internet. Ses écrits sur sa vie quotidienne, avant puis sous les bombes, ses critiques du régime irakien et des visées américaines, mais aussi ses messages à l’attention de Raed, un probable amant, ont suscité un intérêt énorme et donné lieu à toutes sortes de spéculations. Certains internautes peinent à croire que l’homme, dont on n’a plus eu de nouvelles du 24 mars au 7 mai, écrivait vraiment de Bagdad...

Jeudi 20 mars, 23h00. «Les sirènes viennent juste de se mettre en branle. Les bombardements arrivent par vague, rien de très sérieux pour l’heure, pas comparable à ce qui s’était passé en 1991. Toutes les chaînes de radio et de télévision marchent encore. Au moment où les raids aériens ont commencé, la TV irakienne s’est mise à diffuser des chants patriotiques. Elle n’a pas pris la peine d’informer les téléspectateurs que le pays était attaqué et en ce moment même, elle repasse l’interview du Ministre de l’intérieur déjà diffusé hier. Le son de l’artillerie anti-aérienne est pour l’heure plus fort que celui des bombes, ce qui me laisse penser que les bombardiers sont encore loin de l’endroit où je vis. Mais les images que nous avons vues sur la chaîne Al Arabia ont montré un bâtiment qui brûlait près de la maison de ma tante. (…) Tout le monde attend, attend, attend. Les téléphones marchent toujours, on a appelé plusieurs amis dans la ville pour voir si tout allait bien pour eux. Ce dont on a le plus besoin, c’est de l’information. Mais la TV irakienne ne dit rien, ne montre rien; elle n’est bonne qu’à passer des chants patriotiques pendant que les bombes nous tombent dessus.(…)»

Avant la guerre, c’est l’un des derniers messages que «Salam Pax» (deux mots pour dire la paix en arabe et en latin, et un jeu de mots avec Salman Pak, entreprise d’armement en Irak) a écrit dans son journal intime publié sur son site Internet. Il remonte au 20 mars. D’autres messages ont encore suivi. Salam y raconte le bruit des bombes, les fumées noires qui planent sur la ville, les files d’attente dans les magasins et puis, finalement, ses difficultés à avoir un accès à Internet. Et puis, plus rien. Depuis le 24 mars, durant de longues semaines, plus aucun message n’était venu alimenter le weblog du correspondant de Bagdad. Les bombes ont-elles eu raison de Salam? Où est-ce le régime de Saddam qui a fait taire celui qui a osé défier la propagande officielle? Dès qu’il n’a plus donné de nouvelles, la polémique a fait rage dans les forums de discussion des webloggers, ces passionnés qui, sur le Net, tiennent des journaux personnels sur tous les sujets possibles et imaginables. Salam a certes pris d’énormes risques en publiant au jour le jour son journal, conviennent-ils, mais les grands médias sont mis en cause: «Ils ont trop parlé de Salam sur leurs sites Internet». En attendant, les rumeurs ont continué de courir au sein même des webloggers: dix jours après le dernier message de Salam, l’un d’eux prétendait savoir où il se trouvait: blessé, dans un hôpital… Un journal autrichien affirmait aussi l’avoir retrouvé, mais c’est là que s’arrêtait son scoop: impossible de divulguer l’information sans mettre en danger le correspondant irakien, disait le journal… Le 7 mai, Salam levait le mystère de son silence avec une réapparition surprise et rassurante: coupé du monde à cause de la guerre, il n’a pas pu publier la suite de son journal.

L’intérêt porté au sort de Salam Pax est à la mesure de celui de son journal intime. Fascinés, des milliers et des milliers d’internautes ont visité le fameux site au début de la guerre. On comprend pourquoi: Salam Pax est apparu comme le seul Irakien à pouvoir parler en toute liberté de sa réalité quotidienne en Irak à une audience internationale. Une démarche courageuse, insensée sûrement, dans un pays qui, sous le régime de Saddam, torturait pour moins que cela. Et durant le conflit, alors que les médias traditionnels étaient sous étroit contrôle, l’information de proximité pratiquée dans les weblogs, a fait figure de source privilégiée. Dans ce contexte, le journal de ce mystérieux Salam, écrit depuis Bagdad, paraissait relever de l’incroyable.

Un pédé gros, moche et chauve
Qui est Salam Pax? En lisant son journal, dont les archives remontent à août 2002, on apprend qu’il a 29 ans, qu’il est architecte, qu’il a passé la moitié de sa vie hors du pays, parle plusieurs langues, adore Bjork et Massive Attack. Son site s’appelle mystérieusement «Where is Raed?», Raed (à l’envers: Dear, Chéri en anglais) et à fouiller dans ses archives, ce nom apparaît partout. Amour platonique? Amant? Dans ses messages enflammés, il dit combien Raed, qui vit en Jordanie, lui manque. Il lui dédie par exemple des mots d’amour tirés d’une chanson d’Annie Lennox. Salam fait aussi souvent allusion à son orientation sexuelle. Le 15 septembre 2002, il écrit en publiant des photos: «Dans trois jours, c’est mon anniversaire (oui, Raed, tu peux commander les strip-teaseurs mâles) et à cette occasion Hashim a décidé de montrer au monde que je suis juste un pédé gros, moche et chauve. Merci Hashim de me le rappeler!» Et Salam de pointer encore un lien sur un forum fréquenté par des webloggers du Moyen-Orient et dans lequel on parle de lui: «Salam Pax de “Where is Raed?” n’est pas si mal. Il a une attitude négative à l’égard de l’islam, mais que peut-on attendre d’autre d’un homoseuxel irakien?».