La Chaux-de-Fonds

Bang! Bang!

mer 15 mai - sam 25 mai
Genève
#Musique

Gaye Su Akyol

sam 18 mai, 20:30
Genève
#exposition

Ex-eroticis: Art et fierté du livre secret

ven 26 avril - ven 31 mai
Genève

36 gr.

ven 26 avril, 23:00

Divine damnation

Tanké tel un rutilant cuirassé insubmersible, l’affolant Luizo Vega déploie un monde tout en noirceur et lumière, ruisselant de beauté et de débauche. Ensorcelant!

Le qualifier de beau gosse serait un peu en-dessous de la réalité. Le spectaculaire Luizo Vega représente à lui tout seul l’aboutissement du fantasme universel queer. Semblant issu du croisement d’un Action Man tout en muscles avec un artiste néo-gothique à l’œil de lynx, sa vie et son oeuvre nous frappent de plein fouet. Archéologue du présent, il flirte avec les mythes fondateurs qu’il associe savamment à une iconographie subversive hautement esthétisante empruntée aux magazines et aux catwalks d’aujourd’hui. Son travail artistique renferme dans son ADN les divers éléments de l’alchimie magique qui valident une entrée au panthéon des plus grands.

Baby Vamp
Bien armé d’un solide regard ayant parfaitement digéré le queer-porn, la peinture classique, les chef-d’oeuvres du cinéma et la photographie de mode, il compose ainsi avec élégance sa fascinante histoire. Sa biographie romanesque démarre en Argentine d’où il est originaire, en passant par le Chili duquel il est expulsé sous les feux des médias lors d’une performance urbaine mettant en scène une mineure dénudée alors qu’il est encore un très jeune artiste. Cet épisode emblématique joliment intitulé Baby Vamp sonne en 2002 le début d’une œuvre construite autour d’un bras de fer permanent avec les censeurs et les âmes sensibles, le tout salué unanimement par un public avide de tant de grâce ensorcelante couronnée d’insolente liberté.

Luizo Vega serait le fils caché de Madonna Louise Ciccone! Difficile de faire plus gros pour affoler la blogosphère en quelques minutes.

Le buzz le suit et le poursuit, et il enchaîne avec une magistrale rumeur qui fait le tour du Web en 2010 (pour la sortie de son film Material Boy qui est en réalité le produit de cette rumeur rondement bien menée). Luizo Vega serait le fils caché de Madonna Louise Ciccone! Difficile de faire plus gros pour affoler la blogosphère en quelques minutes. Le hoax se répand et le voilà canonisé en même temps que son film devient un mockumentary hors norme aux contours autofictionnels, témoignant de son parcours atypique, dans l’ombre tutélaire de «sa mère superstar». Dans la foulée, il réalise la même année sa célèbre performance «The Naked Project» au Vatican. Poser en tenue d’Adam, carrossé comme dans un tableau du Titien en exhibant une plastique puissamment érotique dans le saint des saints de l’homophobie occidentale est un geste politique de grande portée pour la nation queer. A ses côtés, Ai Wei Wei et son doigt levé fait bien pâle figure.

The Naked Project
The Naked Project

Notre homme ayant plus d’une corde à son arc, il est aussi très efficace derrière la caméra et a déjà plusieurs films à son actif. Ses scénarios transposent souvent des mythes bibliques ou mythologiques dans la période contemporaine avec une valeur ajoutée de type psychologique. L’homosexualité y prédomine et la poésie des plus grands réalisateurs du XXe siècle n’est jamais bien loin. La structure narrative des films de Luizo Vega emprunte aussi volontiers son rythme très particulier à son ami et mentor Bruce La Bruce, dans les films duquel il a déjà fait plusieurs apparitions remarquées en tant qu’acteur. On pense aussi immédiatement à Pasolini, Fassbinder ou Ferrara en s’immergeant dans «Santo the Obscene» (2015) ou «Pierrot Lunaire» (2014) deux très bons films de genre à la facture irréprochable. L’influence incontestable de Maître David Lynch figure tout aussi fièrement en tête de ses références iconographiques.

Le mythe du vampire
Certaines des photographies de mode de Luizo Vega évoquent instantanément la scène mythique de «Lost Highway» dans laquelle un Marilyn Manson aussi évanescent que christique s’ébat dans le stupre et la luxure entouré de plusieurs partenaires SM, filmés en nightshot bleuté sur fond sonore guttural mis à feu par les magistraux colosses de Rammstein. Cette scène inoubliable – un sommet du genre – a marqué à jamais les esprits et se retrouve cristallisée à la perfection dans l’oeuvre photographique de Luizo Vega. Il a notamment shooté Marilyn Manson à son tour ultérieurement, d’une façon particulièrement ectoplasmique rendant cette image instantanément iconique. Cette photographie fonctionne d’ailleurs un peu comme une sorte de retour à l’expéditeur pour bons et loyaux services en s’offrant sa muse réincarnée dans son propre objectif.

Le regard très particulier de la star aux yeux vairons artificiels est sans conteste devenu l’une des marques de fabrique préférées de Luizo Vega lorsqu’il s’agit de travestir ses modèles lors de sessions photos volcaniques autour de son nouveau filmobjet «Dracula is not dead», sorte de spectacle total en gestation. Une cohorte de stars parmi les plus ténébreuses du monde du cinéma, de la danse et de la mode se bousculent actuellement au Studio V, son antre parisien glamourissime, pour se faire tirer le portrait par Vlad Vega – son alter ego vampire. L’artiste reçoit ses pairs en cape de satin noir virevoltant sur son torse nu, objectif au poing, prêt à dégainer pour «immortaliser» ses invités au sens propre comme au figuré. Les mises en abîme entre photographe et modèle, réalité et fiction, mode et cinéma, légende du vampire et mythologie saphique s’entrelacent ici indéfiniment jusqu’à obtention d’un sacre polymorphe.

DRACULA IS NOT DEAD from StudioV Paris on Vimeo.

Les messes noires photographiques de Vlad Vega empruntent aussi bien aux rituels contemporains de bondage SM ou de suspensions sanguinolentes qu’à la sexualité débridée et polysexuelle du vampire assoiffé de sang frais.

La performance se situe simultanément à tous niveaux et un simple shooting performatif au Studio V constitue déjà une partie de l’œuvre en soi, un modus operandi qui n’est pas sans rappeler la Factory de Warhol. Les messes noires photographiques de Vlad Vega empruntent aussi bien aux rituels contemporains de bondage SM ou de suspensions sanguinolentes qu’à la sexualité débridée et polysexuelle du vampire assoiffé de sang frais. La distante morgue des top-models extraterrestres aussi lisses qu’intouchables y côtoie le souffle court d’un groupe d’éphèbes musculeux, étincelants de sueur et de testostérone, le tout figé sur le même cliché. Un univers tout de cuir noir et de latex, de clous qui s’entrechoquent et de tatouages serpentant sur peaux diaphanes se déploie ainsi sous nos yeux médusés. Quant au film tant attendu, promettant de revisiter le mythe de Dracula en une version des plus hot réalisées à ce jour, il n’en finit pas de devenir un gigantesque making-of qui se promènera notamment sur les catwalks de la Fashion Week parisienne début mars. Avant de peut-être surgir enfin sur les écrans fin 2017 et de nous éblouir pour l’Éternité.

» www.studiovparis.com