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Magnus Hirschfeld, premier activiste LGBT

Magnus Hirschfeld, premier activiste LGBT

Il fut l’un des scientifiques pionniers à affirmer que l’homosexualité n’est pas une maladie et à remettre en cause la binarité de genre. L’Allemagne célèbre cette année le cent-cinquantenaire de la naissance du sexologue Magnus Hirschfeld.

«Son but était un monde dans lequel tous les gens pourraient vivre en paix, en étant libres et égaux en droits.» C’est avec ces mots que la ministre allemande de la Justice, Katarina Barley (SPD), a rendu hommage à la vie et l’œuvre de Magnus Hirschfeld le 14 mai dernier à Berlin. Elle faisait partie des personnalités invitées à célébrer ce soir-là le 150e anniversaire de la naissance du père fondateur du mouvement homosexuel allemand, à l’invitation de la Fondation Magnus Hirschfeld.

Des centaines de responsables politiques et d’activistes LGBT, ainsi que quelques descendants du sexologue venus des États-Unis, d’Australie et d’Italie, étaient rassemblés dans l’auditorium de la Maison des cultures du monde, à l’endroit même où s’élevait autrefois la grande demeure bourgeoise dans laquelle Magnus Hirschfeld avait ouvert son institut de sexologie, le tout premier au monde, au lendemain de la Première Guerre mondiale. L’institut employait une quarantaine de personnes et offrait cours d’éducation sexuelle, consultations en sexologie, soutien psychologique aux personnes homosexuelles ou transgenres, prévention et traitement des maladies sexuellement transmissibles, premières opérations de réassignation sexuelle… Une révolution pour l’époque.

Différent des autres
Né en 1868 dans une famille juive allemande, Magnus Hirschfeld suit les traces de son père, médecin. Il achève ses études en 1892 à Berlin où il s’installe quelques années plus tard. Le jeune médecin a su tôt qu’il était «différent des autres», comme le titre du premier film allemand parlant ouvertement d’homosexualité («Différent des autres» / «Anders als die Andern», 1919), qu’il a co-écrit avec le cinéaste Richard Oswald et dans lequel il joue son propre rôle. Mais l’engagement de Magnus Hirschfeld dans la lutte pour les droits des homosexuels relève moins de l’acceptation de sa propre homosexualité – qu’il n’assumait pas publiquement, par crainte de voir son œuvre scientifique diffamée par ses adversaires – que des conséquences dramatiques qu’il observait dans le cadre de son activité de médecin. Ainsi, le suicide d’un de ses jeunes patients homosexuels le marquera durablement. L’homosexualité est durement réprimée sous la République de Weimar.

En 1897, le médecin lance une pétition réclamant l’abrogation du paragraphe 175 du code pénal allemand, qui criminalise les hommes ayant des relations homosexuelles. Il obtient plus de 6000 signatures, mais sa tentative échoue. Il faudra attendre…. 1994 pour qu’il soit finalement supprimé. Et 2017 pour que les victimes de cette loi soient réhabilitées et dédommagées.

«Troisième sexe»
Magnus Hirschfeld a également pris fait et cause pour les gays, les lesbiennes et les personnes transgenres dans le domaine de la recherche scientifique, en créant en 1897 le Comité scientifique humanitaire, éditeur du «Jahrbuch für sexuellen Zwischenstufen», une publication annuelle qui regroupait les dernières recherches en la matière. Le sexologue remettait en cause la binarité de genre, affirmant l’existence d’un «troisième sexe», ni masculin, ni féminin – qui a finalement été reconnu en 2017 par la Cour constitutionnelle allemande, qui a réclamé que la mention de «troisième sexe» soit intégrée dans tous les documents officiels avant fin 2018. Là encore, Hirschfeld était un pionnier. Ses origines juives et ses positions libérales lui valurent rapidement d’avoir des ennuis alors que la République de Weimar basculait peu à peu vers le nazisme.

Il quitta Berlin en 1931 pour aller donner des conférences aux États-Unis et profita de l’occasion pour s’exiler, d’abord en Suisse, à Zurich et Ascona (TI), puis en France, à Paris et à Nice. Il ne foulera plus jamais le sol allemand et assistera impuissant, depuis Paris, au saccage de son institut par les nazis en 1933. Les livres de la vaste bibliothèque de l’institut seront brûlés publiquement devant l’opéra national de Berlin. Hirschfeld décédera deux ans plus tard. Un mémorial baptisé «Bibliothèque engloutie», situé dans le sous-sol de l’actuelle Bebelplatz, commémore cet autodafé qui fut le premier d’une longue série. Il représente une bibliothèque d’un blanc immaculé, aux rayonnages désespérément vides. Un des nombreux lieux berlinois qui réveillent le souvenir de Magnus Hirschfeld et de son institut, qu’il est possible de découvrir dans le «Gay History Map» édité par le magazine queer berlinois «Siegessäule» au mois de mai.

» Fondation Magnus Hirschfeld mh-stiftung.de
» À voir «L’Einstein du sexe», film du cinéaste allemand Rosa von Praunheim (1999) La saison 2 (épisodes 1, 8 et 9) de la série «Transparent», de la réalisatrice américiane Jill Soloway, dans laquelle il est fait référence à l’institut de sexologie ouvert par Magnus Hirschfeld à Berlin.