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Pas si élémentaire, mon cher Watson!

À l’instar de James Watson, père de la génétique moderne, plusieurs lauréats du prix Nobel se sont illustrés par des dérapages eugénistes. Des théories aujourd’hui discréditées, mais qui rencontrent encore trop souvent un écho politique.

«[J’aimerais que tous les gens soient égaux, mais] les gens qui emploient des personnes noires se rendent compte que ce n’est pas vrai. Nos politiques sociales se fondent sur le fait que leur intelligence est la même que la nôtre, alors […] que toutes les recherches concluent que ce n’est pas vraiment le cas.» Ainsi s’exprimait le 14 octobre dernier, James Watson, co-lauréat avec Francis Crick du prix Nobel de médecine pour la découverte de la structure de l’ADN. Le Dr. Watson n’en était pas à son coup d’essai puisqu’en 1997, soit 7 ans après que l’OMS eut rayé l’homosexualité de la liste des maladies mentales, il affirmait encore qu’«une femme devrait avoir le droit d’avorter si son enfant portait des gènes homosexuels.»
Du prix Nobel Alexis Carrel, qui préconisait en 1935 l’euthanasie de toute une série d’indésirables (criminels, homosexuels) au nom d’un «eugénisme éclairé», à Charles Richet, lauréat du Nobel lui aussi, qui avouait ne pas comprendre «par quelle aberration on peut assimiler un Nègre à un Blanc», les années 1920-1930 marquèrent l’apogée des théories eugénistes, avant qu’elles ne soient discréditées par la génétique moderne. Mais comment excuser des égarements plus récents? Ainsi, William Shockley, nobélisé pour l’invention du transistor en 1956, a ensuite consacré sa vie à démontrer que l’éducation prodiguée aux Afro-américains, «intrinsèquement moins intelligents que les Blancs», représentait une perte de temps et d’argent. Ce charmant monsieur alla même jusqu’à proposer d’inciter financièrement les femmes noires à se faire stériliser. Il fut également le premier donneur d’une banque de sperme fondée en 1980 par le prix Nobel de médecine Hermann Muller, et réservée aux QI supérieurs à 140 – ceci dans le but de favoriser la «dissémination des gènes de l’intelligence.»

Arme politique
Si la communauté scientifique a parfois tendance à considérer ce genre de propos comme des égarements isolés et sans conséquence, l’histoire a montré que l’eugénisme peut être une arme politique redoutable. Si l’on écarte les dérives génocidaires de certains régimes totalitaires, il subsiste dans nos démocraties occidentales une tradition de pensée qui tend à réduire les problèmes de la société aux propriétés des individus, cherchant dans la génétique la confirmation des vieilles théories de la prédestination.
Lorsque Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence française, déclare que la délinquance ou les perversions sexuelles sont d’origine génétique, ne s’inscrit-il pas en droite ligne dans la tradition eugéniste? Elle constitue même la base de toute la politique sécuritaire de l’ex-ministre de l’Intérieur. A quoi bon insister sur l’éducation, la prévention sociale, si le parcours des individus est génétiquement prédestiné? Dans cette logique, c’est plus la neutralisation, l’isolement du «malade-délinquant» qu’il faut favoriser. Quelques temps auparavant, le gouvernement auquel il appartenait n’avait-il pas déjà proposé un dépistage des «enfants à risque» dès l’âge de trois ans? Une méthode calquée sur celle du gouvernement Thatcher, qui affirmait que les pauvres sont pauvres par nature et qu’il est vain d’essayer d’y changer quelque chose, ou sur la politique néo-conservatrice du gouvernement Bush, qui soutient ouvertement la théorie du créationnisme et de la discrimination génétique.
À l’heure du retour à une société d’inspiration darwinienne, basée sur la loi du plus fort, il serait sans doute salutaire de méditer sur cette citation d’Axel Kahn, généticien français, toujours pas nobélisé, lui: «La responsabilité d’un candidat à de hautes fonctions de dirigeant de notre société est de militer en faveur d’un monde plus sûr, même pour les plus fragiles; et non pas de s’exonérer par avance de ses échecs en les mettant sur le compte de la perversité des gènes.»

«La criminalité augmente. L’homosexualité fleurit. Les maladies de l’esprit deviennent menaçantes. […] Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l’individu sain. Les systèmes philosophiques et les préjugés sentimentaux doivent disparaître devant cette nécessité.» Alexis Carrel, dans L’Homme, cet inconnu, 1935

«Aucun enfant nouveau-né ne devrait être reconnu humain avant d’avoir passé un certain nombre de tests portant sur sa dotation génétique […]. S’il ne réussit pas ces tests, il perd son droit à la vie.»
Francis Crick (prix Nobel de médecine), 1979

«J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie […] Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur
préalable. […] Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense.»
Nicolas Sarkozy dans Philosophie magazine, mars 2007