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La faute à Moïse

La faute à Moïse

Le «Dictionnaire Historique des homosexuel-le-s célèbres» traverse les siècles, de la Bible à la Grèce antique, jusqu'aux rockstars bisexuelles.

Après «Femmes d’homosexuels célèbres», le prolifique historien Michel Larivière rassemble les grandes figures homosexuelles du monde des arts, du show business et de l’Histoire, non sans faire quelques sains rappels historiques sur l’avancée de la condition des homos. C’est de l’anathème de Moïse que tout part. Depuis cette parole du Lévitique, et dont la puissance s’est depuis insinuée dans notre culture judéo-chrétienne, l’homophobie gangrène bien des rapports, considérée comme une hérésie à l’hétéronormativité que suppose la parole du prophète: «Si un homme couche avec un homme, comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable, ils seront punis de mort et leur sang retombera sur eux.» La faute à Moïse, donc. Mais le combat n’en sera que plus beau!

Car, comme le rappelle Michel Larivière dans l’avant-propos éclairant de son dictionnaire, c’est en 1981 que l’Organisation Mondiale de la Santé déclassifie l’homosexualité comme une maladie mentale. Ouf! Avant cela ou ailleurs qu’en Occident, on est toutefois à des années lumières du terrible traitement de l’homosexualité que l’on connaît, puisque certaines civilisations n’ont pas directement lié la sexualité et l’évident plaisir qu’il y a à y prendre à la procréation. Et évidemment, pas de procréation, pas d’obligation hétérosexuelle. A telle enseigne que dans les tribus Kirman et Marind de Nouvelle-Guinée, le jeune garçon est enlevé à sa mère pour être éduqué sexuellement par son grand-père. La femme, quant à elle, se voit attribuer le pouvoir magique de tomber enceinte, ce qui ne semble possible qu’en prenant des bains dans un lac magique. «Ainsi, religion et homosexualité vivent en bonne harmonie dans les premières civilisations crétoises, babyloniennes, égyptiennes», explique Michel Larivière avant d’évoquer la liste de jeunes garçons composant le harem des pharaons. Dans les livres sacrés de l’Inde, on évoque également un «sacrifice de sperme», acte sexuel aussi valable que la prière. «Il n’y a, entre l’homosexualité et l’hétérosexualité, qu’une différence de rite.»

Menace de castration
Evidemment, impossible de ne pas évoquer la Grèce antique, où la pédérastie sert d’éducation aux jeunes hommes forcément passifs auxquels on adjoint un homme plus âgé et viril (l’éraste) qui, en plus d’avoir femme et enfants, initiera son éromène au plaisir sexuel. Plus tard, dans les monastères, il faut que le Concile de Tolède (693) menace de castration le moine pris en flagrant délit de pratique sexuelle avec un de ses congénères pour que les hommes de Dieu cessent de changer de couchette… Ce qui fait dire à Michel Larivière que l’anathème de Moïse n’atteint que les civilisations chrétiennes. Car dans les monastères bouddhistes et chez les empereurs japonais, il semble qu’il n’y ait pas eu de problème à préférer les garçons. Du côté des lesbiennes, la répression est plus light, car les amours saphiques ne sont même pas envisagées par l’Eglise. Les femmes ne produisent pas la semence perdue dans l’acte homosexuel masculin, et paraissent donc moins blâmables. Mais depuis le XIXème siècle, le lesbianisme a su exercer une crainte sur la société patriarcale, qui a vu en cette pratique un danger pour la domination patriarcale.

Et Michel Larivière de nous faire voyager à travers l’histoire, rappelant notamment la sublime relation de Françoise Sagan avec le mannequin Peggy Roche, que Sagan accompagnera jusqu’à son décès en 1991. A quelques rues de là, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé ont bâti l’empire qu’on connaît. Côté musique, David Bowie est également recensé, malgré un discours ouvert à toutes les sexualités qui semble plus réel que son inclination pour les garçons. Il est toutefois un symbole d’ouverture que Michel Larivière veut souligner.

Secret
A noter encore, les présences savoureuses de quelques évêques ou archevêques tel Baudri de Bourgueil (1045-1130), dont les poèmes ont célébré la beauté des jeunes éphèbes, et qui enjoignait un amant à garder le silence: «L’amant prudent doit dissimuler l’acte d’amour. Gardez notre secret pour vous-même.» Précieuses aussi, les remontrances d’Henry Le Bret à son ami Cyrano de Bergerac, qui n’est pas uniquement mort d’amour pour les beaux yeux de Roxane, mais a aussi fréquenté l’autre rive. «Comme la nature corrompt aisément, j’ose dire que je l’arrêtai sur la grande liberté qu’il avait de ne faire et d’aimer que ce que bon lui semblait, et sur le dangereux penchant qu’il avait.»

» «Dictionnaire historique des homosexuel-le-s célèbres», Michel Larivière. Ed. La Musardine 495 pages