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Transgenre rejetée, elle reste «Una Mujer Fantastica»

Evitant le militantisme, le pathos, les clichés, Le réalisateur chilien Sebastian Lelio brosse le portrait de Marina, abandonnée de tous, seule face à la violence, la colère et la défiance. Interview.

Après le triomphe de «Gloria», l’histoire d’une divorcée de 58 ans déterminée à braver l’âge et la solitude, le Chilien Sebastian Lelio s’est lancé avec «Una Mujer Fantastica» (Une femme fantastique) dans le délicat sujet du transgendérisme. Cette femme, c’est Marina. Loin des regards, elle vit avec Orlando, de vingt ans son aîné. Ils s’aiment, malgré tout ce qui les sépare, les années et la différence de Marina.

Toujours désireux de lui plaire, Il décide de l’emmener aux célèbres chutes d’Iguazu, situées entre le Brésil et l’Argentine. Mais le voyage ne se fera pas. Terrassé par un malaise, Orlando meurt quelques heures plus tard. Privée de son amour, de sa bienveillance, de sa protection, Marina se retrouve en butte à l’hostilité de la société et de ses proches, rejetant tout ce que représente cette personne à «l’identité douteuse».

Respect à conquérir
Tandis que la police la soupçonne de meurtre et que l’inspectrice des moeurs la soumet à une humiliante visite médicale, la famille d’Orlando, mêlant la cruauté ordinaire à la mesquinerie crasse, veut chasser ce «monstre», cette «prostituée vénale» de l’appartement d’Orlando et va jusqu’à l’interdire d’obsèques. Seule face à la violence, la colère, la défiance et l’animosité de tous, Marina ne baisse pas les bras. Dotée d’une force et d’une énergie à tout crin, elle va au contraire se battre pour conquérir son droit au respect et à la dignité.

Entre retenue et tension, passant du mélodrame à une forme de thriller, Sebastian Lelio évite le militantisme, le pathos, pour développer son intrigue avec subtilité, intelligence et délicatesse, le «cas» de Marina devenant surtout un sujet pour les autres protagonistes. Une réussite à laquelle contribue son héroïne interprétée avec passion par la talentueuse et charismatique Daniela Vega, une vraie femme transgenre. Comme le souhaitait le réalisateur qui, de Berlin où il habite désormais, nous en dit plus sur le point de départ de son cinquième long métrage.

«Je voulais explorer de nouveaux territoires»

«Gloria représentait à la fois une fin et un commencement. Suite à son succès, j’ai eu envie d’explorer de nouveaux territoires, de trouver une histoire qui me forcerait à avancer. C’est ce qui m’excite dans mon métier. Alors que j’étais en train d’écrire avec mon co-scénariste Gonzalo Maza, je me suis demandé ce qui se passe pour celui ou celle qui reste quand quelqu’un meurt dans ses bras. Après avoir imaginé plusieurs possibilités, j’ai eu l’idée d’une femme transgenre. Mais je n’en connaissais pas et je sentais que j’avais la tête farcie de clichés.»

– C’est alors que vous avez décidé d‘en rencontrer?
– Effectivement. Nous en avons vu plusieurs à Santiago, que j’ai trouvées très inspirantes. Mais sans que je les imagine en comédiennes. Jusqu’à ce qu’on me recommande Daniela Vega». J’ai alors réalisé qu’il me fallait une actrice transgenre. Pour moi c’était impératif. Sinon, je n’aurais pas fait le film.

– «Una Mujer Fantastica» n’est pas militant dans la mesure où vous ne traitez pas spécifiquement du problème de la transition, de la difficulté à s’assumer, mais avant tout de la façon dont Marina est considérée et traitée pour ce qu’elle représente.
– Je crois que le cinéma a vocation à être plus complexe qu’exposer ou défendre certaines causes. Un moyen de les surmonter, de les transcender. La présence de Marina nous emporte ailleurs. On est à la fois dans un musical, une fantaisie, un documentaire. En dépit d’un certain aspect réaliste, le film n’est pas réaliste en soi.

– Vous posez plus de questions que vous ne donnez de réponses. Notamment à propos de votre héroïne.
– C’est vrai. Révélateur, reflet, miroir, pierre angulaire, elle est plus ou moins énigmatique. On ne sait pas exactement qui elle est. Elle demeure un mystère. Je suis comme elle. Si je ne nie pas avoir une fascination pour le féminin, Je refuse d’être catalogué.

– Votre film a une dimension politique. Est-il une représentation du Chili aujourd’hui?
– C’est inévitable, puisqu’il en émerge. Il est révélateur d’un aspect d’une société chilienne très conservatrice dans un pays à démocratie limitée où continu à régner l’injustice sociale.

» Dans les salles le 5 juillet