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Le temps d’un bouleversant malentendu

La Compagnie Apsara joue «Zokwezo» à Genève, du 29 mars au 10 avril. L’histoire d’une rencontre improbable dans une Afrique rythmée par les parades militaires.

C’est l’histoire de deux personnes qui n’auraient jamais dû se croiser. Encore moins se fréquenter. Lui s’appelle Boulass, il est noir, homosexuel et hacker de profession. En ce jour d’intronisation du nouveau président d’un pays imaginaire d’Afrique, ce trentenaire s’apprête à se suicider. L’avenir est sombre: son activisme cybernétique et son orientation sexuelle constituant deux sérieux motifs d’oppression et d’isolement. Dans l’immeuble où il vit, Delphine n’est guère plus en joie. La cinquantaine, cette expatriée et femme de diplomate est en pleine remise en question. Sans diplôme, délaissée par son mari qui la trompe, ses quatre enfants repartis en Europe, elle s’interroge: «Que faire de ma vie?» Une coupure de courant l’incite à aller toquer à la porte de Boulass, tandis que tous les habitants du lotissement sont sortis fêter l’investiture de leur nouvel empereur sous les yeux de la communauté internationale. Tel est le point de départ de «Zokwezo», une pièce très librement inspirée d’«Une journée particulière», d’Ettore Scola.

Inspiré d’Une journée particulière
«Zokwezo, ça veut dire ‘toute personne est un être humain’», explique Silvia Barreiros, qui interprétera Delphine à la scène du 29 mars au 10 avril au Théâtre du Galpon, à Genève. Fondatrice et directrice de la Compagnie Apsara en 2001, c’est elle qui a commandité le texte de cette cinquième création au dramaturge congolais Julien Mabiala Bissila. «Ce qui m’intéressait, c’était le contexte. La base du film d’Ettore Scola, c’est la parade militaire et la rencontre entre Hitler et Mussolini. «Zokwezo» est une version africaine et contemporaine de cette situation historique, où il sera question de stigmatisation des homosexuels, de droits de la femme, d’accaparement de richesses publiques par des présidents qui se proclament empereurs.»

Mise en scène par Andrea Novicov, la pièce a germé dans l’esprit de Silvia Barreiros il y a trois ans, à l’occasion d’un festival de théâtre en Algérie. Elle y rencontre alors Nicolas de Dravo Houéno, directeur béninois de la Compagnie les Diseurs de vérité, et qui incarne le gardien de l’immeuble à la scène. Sans être située dans le temps et l’espace d’un pays existant, «Zokwezo» n’est pas pour autant une fable. Grâce à l’écriture directe et réaliste de Julien Mabiala Bissila, la pièce traite de problématiques actuelles et pertinentes, bien qu’à des degrés divers, pour tout le continent africain. De même que pour la Suisse, car «si nous avons gagné certaines batailles, il y a encore beaucoup à défendre, estime Silvia Barreiros. «Sous couvert de tout va bien, les homosexuels ne peuvent pas faire leur coming-out dans certaines professions, les inégalités salariales demeurent entre hommes et femmes, et la grossesse reste un tabou à l’embauche.» Pour autant, le spectacle, dont une première version a récemment été présentée à Cotonou après une résidence de plusieurs semaines à l’Institut français de la ville, ne relève pas d’une démarche militante. Pour sa conceptrice, «il questionne plus généralement le rapport à la différence, et aborde de façon cocasse et tendre les difficultés d’intégration dans une société.»

LE POINT DE VUE DE L’AFRIQUE
Ainsi, face au resserrement de l’étau politique, Bossal (interprété par Bardol Migan, comédien béninois de la Compagnie les Diseurs de Vérité) étouffe; quant à Delphine, elle peine à trouver sa place dans le monde fermé des expatriés. «Tout les sépare, mais ce qui les réunit, c’est ce moment de désespoir et de solitude.» Au point de créer les conditions d’un parfait quiproquo. Tandis qu’elle le ramène à la vie inopinément en toquant à sa porte, il lui offre peu à peu, et bien malgré lui, l’image d’un corps accueillant, où projeter son manque d’affection et ses fantasmes. Entre l’homo suicidaire et la cougar désœuvrée, le temps d’un bouleversant malentendu peut commencer. Rythmé par les interventions du gardien, un personnage fouineur et sympathique, incarnant la vox populi. Attiré par ce qu’il croit être une parade amoureuse, ce dernier y va de ses commérages. «C’est un peu le regard de l’Afrique, qui dénonce la richesses matérielle des Suisses, les affaires des entreprises françaises sur le continent.» Par exemple, lorsque Delphine lui explique qu’elle n’emploie pas de domestiques, estimant que «les gens ici méritent mieux», voici ce que lui répond le gardien: «‹Méritent mieux, méritent mieux›, ça c’est littérature, je parle réel! Mieux? Lequel? De chez vous ou d’ici? Ce n’est pas le même mieux. Notre pays est plus à nous. Nord-Total, Sud-Bouygue, Est-Chevron, Ouest-Bolloré. Surtout celui-là, il a même acheté nos cimetières et nos morts. C’est lui qui fixe les prix. On a vendu notre grand-mère à 50 euros. Alors trois domestiques, ça ne coûte pas grand-chose en francs suisses.»

» «Zokwezo», du 29 mars au 10 avril, Théatre du Galpon, en semaine 20h, dimanche 18h, relâche lundi.
» Soirée spéciale le 9 avril avec la projection à 18h de «Gnonnôu – Femme», un film d’Agnès-Maritza Boumer, sur la condition des femmes au Bénin et son évolution. Une aventure, dans un pays pétri de tradition et de religion voudou.