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Petite histoire de l’homosexualité au XXe siècle

Années 30, guerre froide, années 70, trois périodes distinctes dans l'attitude des sociétés européennes envers les homosexuels. L'Université de Lausanne y a consacré un colloque.

Mi-octobre a eu lieu le colloque «Histoire comparée des homosexualités au XXe siècle», à l’Université de Lausanne, réunissant des spécialistes suisses, français, italiens, allemands et belges. L’occasion de retracer les contours des histoires des homosexualités en Europe: répression, «invisibilisation» et ouverture. Triptyque.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, les sociétés européennes sont tolérantes envers les homosexuels. «Berlin à cette époque est pauvre, mais sexy», résume Thierry Delessert, chercheur postdoctoral et organisateur du colloque. Dès les années 30, c’en est fini de cette liberté, place à la répression policière et pénale, partout en Europe. Les chercheurs ont eu accès aux dossiers de police de l’époque et ils ont été stupéfaits par ce qu’ils contenaient: «Alors que les dispositifs pénaux condamnaient le fait même d’être homosexuel, les interrogatoires portaient sur les pratiques, au-delà de toute raison. Qui a joui le premier? Qui était passif? Actif?», raconte Thierry Delessert. Apparaît ainsi la volonté de punir le plaisir plus que l’acte. «L’interrogatoire visait à déterminer quand l’inverti devient féminin.»

De fait, la peine était moins lourde pour les actifs que pour les passifs. A la fin de la 2e Guerre Mondiale, parfois même plus tôt, le climat se détend. En Suisse, dès 1942, l’attitude de l’État envers les homosexuels se résume à «restez entre vous et fichez-nous la paix», une politique similaire à celle des autres pays occidentaux. Ce qui s’apparente à une certaine tolérance était en fait une injonction à l’invisibilité. Relents d’eugénisme: «Les homosexuels font l’amour entre eux, ils vont finir par s’éteindre en ne transmettant plus leur tare», voilà le genre de propos qu’on pouvait entendre, raconte Thierry Delessert.

Mais tandis que les nations européennes se déclarent «pénalement tolérantes», on assiste, dans les faits, à des mesures de répressions policières: rafles dans les parcs et les bars jugés «homos». Une politique de harcèlement, comme l’explique le chercheur: «Il n’y avait pas de peine à la clé, c’est pourquoi les statistiques ne reflètent pas les ennuis que vivaient les individus au quotidien. » C’est le moment de la Guerre froide et de la traque aux «ennemis intérieurs». Les pratiques de l’homosexuel étant honteuses, on imagine qu’il est facilement manipulable par les puissances extérieures, qu’il peut être contraint, sous la menace d’une dénonciation publique de ses travers, de nuire à la Patrie.

Sortir du placard
Le dernier tableau évoqué par le colloque retrace la fin de l’invisibilité : Les années 70 où les homosexuels revendiquent leur droit. «Stonewall aurait pu se passer à San Francisco, Londres, Berlin ou Zürich», souligne le chercheur. Partout, on cherche à retourner le stigmate: «gay», «schwul», «PD», ces quolibets deviennent des étendards. C’est le moment où les homosexuels sortent du placard, affichent leurs différences. Ils aspirent pour beaucoup à des idéologies d’extrême gauche, à la révolution. Longtemps on a cru que la Suisse était en retard quant à son attitude envers les homosexuels. Le colloque de l’UNIL a permis de rendre inepte cette idée et de mettre au jour la nécessité pour les différents chercheurs européens de travailler en réseau. «Contrairement à ce qu’on pense, on a une histoire, on a une identité, on existe», souligne Thierry Delessert.

Les femmes s’affichent

Le colloque avait à cœur de ne pas omettre la question de l’homosexualité féminine, une gageure: «Il m’a fallu trois mois pour trouver des intervenants parlant des femmes, une semaine pour les hommes», s’agace Thierry Delessert. Pourquoi cela? Les rapports de police, les condamnations concernent pratiquement exclusivement les hommes. Bien que l’homosexualité féminine ait toujours été soumise au même dispositif pénal que l’homosexualité masculine, les femmes n’ont jamais subi les mêmes répressions que les hommes.

Difficile pour un historien de trouver les sources nécessaires à une étude historique, car l’homosexualité féminine relève du domaine de l’intime. Pour faire ressortir sa spécificité, il est nécessaire d’étudier les correspondances, les journaux intimes. Vérité cruelle pour les femmes en général: leur sexualité est niée. Et pour les lesbiennes, «surniée»: «Les répressions sont rares. Les policiers trouvent l’homosexualité féminine cocasse, gentillette, et c’est déjà le début du fantasme hétérosexuel pour les rapports entre femmes», raconte l’universitaire.

Jusqu’aux années 70, les lesbiennes vont accepter le mariage pour se cacher. Elles sont invisibles. Lorsque débutent les mouvements de revendications des droits pour les homosexuels, les lesbiennes se joignent aux féministes, avant de s’en séparer et de créer leur groupe non mixte, pour affirmer un lesbianisme identitaire. Car ce sont les critiques féministes qui furent les plus violentes envers les lesbiennes, vues comme des «traitresses à la cause».