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«La beauté est une injonction insupportable»

À 51 ans, Juliette continue de tremper sa plume dans cette ironie mordante qui l'a rendue célèbre. Mi-diva, mi-clown, elle tord le cou aux clichés liés au genre dans son dernier album, «Nour».

Juliette, avec Nour vous révélez en réalité la moitié de votre nom de famille…
Juliette – Ce n’est pas vraiment une révélation car mon nom figure toujours dans les crédits associés aux chansons. C’était plus parce qu’une des chansons s’appelait «Lumière» et que je me suis dit que «Nour» ferait un beau titre d’album. Mon nom, Noureddine, signifie lumière de la foi en arabe, et ma foi, je ne suis pas très croyante… donc j’ai gardé la lumière et enlevé la foi.

Qu’est-ce qui vous pousse à faire toujours le grand écart entre virtuosité et humour?
– Je sais que c’est un peu ça qui fait ma particularité, c’est ma nature, je ne sais pas d’où ça vient. Moi ça me semble nécessaire d’encadrer des propos sérieux par des propos moins sérieux. Tout prend de la valeur à ce moment-là. C’est une affaire de clowns, c’est une affaire de tragédie.

La beauté physique est un thème qui revient souvent dans vos chansons…
– La beauté physique des femmes est une injonction insupportable. Les femmes doivent être belles, sexy, désirables, etc. Donc elles s’habillent comme ceci, elles se maquillent, etc. Ce sont des comportements induits et qui font partie des injonctions faites aux femmes selon monsieur Bourdieu si mes souvenirs sont exacts. Comme en plus il se trouve que j’y échappe un peu, que je ne rentre pas dans les canons de la beauté actuels – parce que je pense qu’à une autre époque j’aurais pu être une sorte de magnifique déesse, je les regarde de l’extérieur, je n’en suis pas profondément victime.

Il y une chanson très drôle qui parle de votre manie de vous curer le nez…
– C’est une sale manie que j’ai. C’est amusant de traiter les sujets scabreux d’une manière à la fois ironique et dans une langue qui se veut précieuse. C’est plus amusant que d’écrire des choses au premier degré dans ces cas-là.

C’est une manie que vous avez toujours?
– Oui, bien sûr, les manies, on les a, on les garde.

Vous faites partie des rares artistes lesbiennes à avoir fait leur coming out, sans toutefois vous considérer comme militante.
– Moi j’ai eu de la chance parce que j’ai justement été dans une famille où ça ne posait pas problème. Où tout va bien du moment que l’on est heureux. Tout s’est passé très facilement dans ma vie. Mais je sais qu’il y a des gens que ça dérange que je sois grosse, que je sois lesbienne, mais franchement alors là, tant pis pour eux. Ca m’en touche une sans faire bouger l’autre comme disait Chirac! Il faut qu’ils se rendent malheureux pour rien… Maintenant, qu’il y ait des gens qui soient dans une situation de souffrance à cause de personnes comme ça, je trouve ça insupportable. Je ne vais pas militer, mais le simple fait de reconnaître que je suis lesbienne et de dire: «Il faut arrêter que ce soit un problème, ce n’en est pas un», me semble être la moindre des choses. C’est finalement assez militant.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui en France après les manifestations d’une violence inouïe contre le «mariage pour tous» qui ont marqué l’année 2013?
– Ce sont des gens qui ne sont pas très nombreux mais qui font beaucoup de bruit. Donc je ne vois pas que le monde a changé autour de moi. Je trouve ça absolument pitoyable et grotesque leur manif’, je les couvre de mon mépris et je leur écrase le nez dans leur ridicule. Il faut dire que ces gens-là ne représentent pas la France, qu’ils sont des représentants du Moyen-Âge de la France, et que ça suffit comme ça. Taisezvous! […] Frigide Barjot est elle aussi un personnage ridicule, car ses convictions s’arrêtent à l’entrée de la boîte de nuit. […] Moi, à titre personnel, je ne vais pas aller faire des marches, signer des trucs et faire des concerts de soutien. Mais si ma façon de vivre, de poser le problème et d’être peut aider des gens, bien youpi!

«Nour» par Juliette chez Universal Music