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«Si tu fais mec, tu es une mauvaise femme!»

Costard, cheveux courts et grosses godasses… Judith Halberstam se fiche bien qu’on la prenne pour un homme. Au contraire: sa masculinité, elle la cultive, la porte sans complexe et, à travers ses écrits, en fait sa théorie.

Ado punk dans l’Angleterre de la fin des années 70, Judith Halberstam est aujourd’hui professeur de littérature et directrice du centre de recherche féministe de l’Université de Californie du Sud à Los Angeles. Sa carrière académique à la sauce queer, elle l’a commencée avec «Female Masculinity», un ouvrage publié en 1998 qui retrace deux cents ans d’histoire de femmes masculines, de la gentlewoman du début du XIXe siècle aux drag kings actuels en passant par les butches des années 1950. Depuis, elle a écrit «The Drag King Book» (1999) avec le photographe intersexuel De LaGrace Volcano, fait une apparition dans «Venus Boyz» et vient de sonder les bas-fonds de la sous-culture queer* avec «Queer Times & Spaces» (2005). Son tout nouveau dada? L’esthétique queer, thème qu’elle a présenté en octobre dernier à Lausanne, lors du colloque de l’Association suisse des historiennes et historiens de l’art.

La notion de masculinité appartient-elle autant aux hommes qu’aux femmes?
Mon postulat est simple: si le masculin – comme le féminin d’ailleurs – est socialement construit, alors tant les hommes que les femmes participent à l’histoire de son élaboration. Cela me paraît évident. Pourtant, si l’on accepte que les hommes expriment leur part de féminité – on les en félicite même, on refuse l’idée que les femmes participent à la construction de la masculinité.

C’est-à-dire qu’on leur refuse le droit à la masculinité?
Oui, on recherche toujours la féminité. Certaines féministes – comme une grande partie des «straight people*» – ont un vrai problème avec l’idée qu’une femme puisse se sentir bien dans sa masculinité, la cultiver même. Cela est en partie dû au fait qu’on traduit masculin par patriarcal… Du coup, si tu fais «mec», tu es en quelque sorte une mauvaise femme.

Les féministes ont l’impression qu’il y a pacte avec l’ennemi?
Une frange des féministes seulement, car il y a plusieurs courants de pensée. Mais les partisanes de cette frange-là, quand elles voient une femme «cross-dressed» (travestie), elles disent: «Regardez comme notre féminité est diverse!» Mais, pour moi, il ne s’agit plus de féminité du tout! Moi, par exemple, si je porte une cravate, que j’ai les cheveux courts et que les gens me prennent pour un homme, c’est ok. Mais si on me dit «Oh, j’adore ta féminité alternative!», alors là, je suis offensée. Je ne suis pas féminine! Regarde, il n’y a rien de féminin, là!

Pourquoi vouloir jouer sur le terrain des mâles?
Si le but queer est d’ébranler la hiérarchie des genres qui favorise les hommes, on ne peut pas laisser l’exclusivité de la définition du masculin à ces derniers. Car c’est maintenir la domination.

On dirait que la «subculture queer» est pour vous un lieu par où la révolution peut arriver.
Je dirais plutôt que c’est un lieu de critique radicale des genres, de la vie hétéro, du mariage, etc.

Que pensez-vous du mariage homo?
C’est une question difficile… Je comprends que le mariage soit important pour certaines personnes, par exemple afin d’obtenir des papiers pour son/sa partenaire ou bénéficier d’aides publiques. Mais au lieu de se battre pour le droit au mariage, il faudrait se battre pour une citoyenneté et une aide sociale qui ne soient pas conditionnées par cette institution. Car franchement, je me fiche de savoir si l’Etat reconnaît ma relation, ce n’est pas important. Le mariage gay est un faux combat… L’agenda queer a pour but de mettre en doute la monogamie, de proposer de nouvelles formes de relations et non de soutenir le mariage.

A lire (en anglais):
«Female Masculinity», Duke University Press, 1998.
«The Drag King Book», Serpent’s Tail, 1999.
«In Queer Time and Place: Transgender Bodies, Subcultural Lives», New York University Press, 2005.