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Party Boys: du lascar ou du cochon?

Le film à thématique homosexuelle étant devenu un genre en soi, il ne se passe pas un mois sans que de nouveaux titres viennent l’enrichir, pour le meilleur ou pour le pire. Or, à mesure que les nouveautés s’entassent, le risque augmente que les réalisateurs se répètent et que les belles intuitions de jadis se transforment en lieux communs vides de sens.

Ce petit prologue pour vous avouer que la rédaction de votre magazine préféré a longuement hésité à vous parler de Party Boys, dont la cassette de presse a passé de main en main suscitant les avis les plus divers: bourré de clichés pour les uns, trop proche de la série-télé pour les autres, le film de Dirk Shafer était loin de faire l’unanimité. Si l’on vous en parle tout de même, c’est que Party Boys vaut sans doute mieux que ce que son premier quart d’heure techno-clip et son emballage marketing ne laissent présager. On ne s’attardera donc pas sur les slogans de l’affiche («Ils n’ont qu’une obsession: le plaisir.») et on notera bien que «Party Boys» est la version française du titre, puisque le film s’appelle en réalité «Circuit» (vous suivez?)

Ce titre original dit mieux que celui en franglais flambant toc ce dont il s’agit: le thème du film, c’est le «circuit», terme que les gay de Los Angeles donnent à ce «milieu» des fêtes nocturnes placées sous la protection des divinités Sexe et Drogue. Pour nous y faire pénétrer, on nous invite à suivre les pas de John, joli petit provincial, flic de son état, qui fuit une ville de province où la révélation de son homosexualité ne lui vaut que des ennuis. Arrivé à Los Angeles, il est rapidement initié au mode de vie des gym-queen de la Côte Est. La jolie crevette timide et non-fumeuse se métamorphose donc au fil des rencontres (et en suivant son ange noir, le gigolo Hector) en minet body-buildé au look d’acteur porno pété aux drogues les plus diverses et moulé de T-shirts Petit-Bateau.

Présenté comme ça, cette histoire d’un Rastignac version folle californienne ne fait pas très envie. Il est vrai aussi que, sous son apparente liberté de ton (ces garçons baisent beaucoup entre eux et ils ne se privent pas d’en parler), Party Boys cache une tendance moralisante assez effarante (avec la prostitution comme tabou absolu et le retour à l’ordre moral de notre joli héros en fin de course). Mais l’intérêt du film est ailleurs. D’abord dans le regard ironique porté sur un milieu peu abordé par le cinéma, où le culte des abdos siliconés et d’une jeunesse chancelante confine au pathétique. Mais aussi et surtout dans une narration plus éclatée qu’il n’y paraît: peu à peu, la caméra se détache de John le provincial pour s’attacher aux pas d’autres personnages, notamment à l’attachant Bobby, strip-teaseur vieillissant, obligé de s’injecter une substance dans la bite pour bander devant son public. Cette construction «polyphonique» est encore enrichie par le documentaire qu’un des amis de John tourne sur le «circuit» et dont nous apercevons quelques rush: de nombreux gays y exposent leur expérience dudit «circuit» et l’on s’aperçoit que, dans l’illusion de véracité offerte par le faux documentaire, les points de vue se multiplient: certains condamnent le milieu, d’autres l’observent avec lucidité en avouant qu’il a joué un rôle important dans leur vie. En dernier recours, le film évite ainsi de nous asséner une morale univoque – ce qui est déjà une forme d’exploit dans l’Amérique de George Bush. Parallèlement, les relations tissées entre les protagonistes évoluent et se complexifient en cours de film, jusqu’à un final à la grandeur presque tragique. On aura donc compris que le film souffre des mêmes défauts que ses personnages: sous le silicone télévisuel, quelque chose d’humain y vibre encore.